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EXTRAITS

Un enfant sans papa

Junior va à l'école depuis deux jours; son oncle l'a inscrit avec ses enfants. Il a fait la connaissance de nouveaux camarades; tout se passe à merveille. Pour lui, depuis longtemps, ce sont les nuits qui sont plus éprouvantes que les jours. Il ne peut s'empêcher de penser à sa maman, à la dureté de sa vie, à son arbrisseau; à tout ce qui lui manque. Il supporte cela avec courage. Ses nuits et ses jours s’enchaînent et tissent sa vie, comme les branchages des arbres et les lianes se rejoignent et se nouent pour former la grande et belle forêt. Le cœur d'un enfant, se fond et se confond, et ressemble toujours au lieu où il est né.

Quand le soleil pointe

          Quand le soleil pointe
          Sa cloque à l'horizon
          Brûlante déraison
          Que Lucifer appointe


          La mer est comme l'encre
          Les brumes sont tisons
          Les caps sont des bisons
          Dont l'allure s 'échancre


          Dans les ports endormis
          Aux quais quelques fourmis
          Hésitantes et pâlottes
          Marchent aux lueurs falotes


          Charriant dans leur éveil
          Des restes de sommeil
          Et des lambeaux de nuit
          Vers leurs diurnes ennuis


          Autant l'astre est mordant
          Le jour est emmerdant

Ce qui se passera demain

On roule. Les lueurs des lampadaires impriment sur les vitres couvertes de buée et secouées par les tremblements du moteur des halos irisés qui défilent, balises de la nuit encore rêveuse. Je les suis du regard  mais ne peux les fixer, oeuvres éphémères de circonstances. Je m'assoupis malgré les soubresauts du tacot; l'esprit dans les étoiles, je dors les yeux ouverts. Quand un brusque coup de frein me réveille, je me dis : "C'est pas possible, je ne peux pas aller au collège, je suis trop bien quand je dors, il faut que je dorme encore..."

REGARDER LA MER

Le rêve me plaît, l’illusion m’emballe dans sa résille dorée, me trimballe aux bras des nuages et m’invite au spectacle de l’horizon vaste et embrasé, dont on ne peut imaginer vivre sans n’avoir jamais tenté de l’approcher... Fût-ce au prix de la folie. L’horizon est le père de tous les rêves... Le mirage suprême. Envoyer son regard au loin, survoler les montagnes abruptes, découvrir la mer tachetée de vaisseaux blancs qui s’étale à l’infini, bordée de côtes ténues comme des cordes usées où s’agrippe une myriades de villes grouillantes d’insectes...

Un président comme vous

La tête appuyée contre la vitre, il avait réussi à s'oublier une heure ou deux ; il ne savait exactement. Le train ralentissait à l'approche d'une gare. Les passagers n'étaient pas nombreux en ce jour de semaine ; une dizaine tout au plus. Le mistral avait chassé les nuages. Le bleu du ciel de Provence écrasait tout de sa puissance. Une chape de pureté semblait s'étaler sur tout ce qui vivait et cela revigora le président qui se sentit mieux ; il baissa le col de son manteau et regarda le paysage. Quand la rame s'immobilisa il vit passer sur le quai un contrôleur, maigre comme un fil de fer, avec une casquette qui paraissait énorme par rapport à sa corpulence. Une silhouette de clou de tapissier... Le clou monta dans le train en sifflotant, et alla pour ainsi dire se planter à l'entrée de la première classe. Il ne bougeait pas mais ses yeux avaient déjà tout scruté à l'intérieur du compartiment. Il leva son pouce en direction du chef de gare qui donnait le signal du départ. Les haltes des TGV n'étaient jamais longues. Les vergers de Vaucluse défilaient à présent, séparés par les grandes haies de cyprès qui les protégeaient du vent du Nord. Les cimes des arbres étaient courbées et balançaient violemment sous les coups du Mistral. Au loin émergeaient les rondeurs grises et mauves coiffées de blanc des contreforts des Alpes.

"Mais je connais le remède. Je regarderais longtemps la mer.        Albert CAMUS

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